La réflexion autour de la gestion des espaces de travail a commencé dans le monde industriel. Pour la première fois, la question de l’organisation de l’espace de travail s’est posée en fonction des métiers et des usages des salariés.
La fin du XIXe siècle est marquée par la création des premiers bureaux venant ainsi diviser les services de production et les pôles administratifs.
Un concept d’organisation scientifique très connu fait alors son apparition : le taylorisme. Développé par Frederick Winslow Taylor, ingénieur américain, ce concept donne notamment naissance au travail à la chaîne initié dans l’industrie automobile mais élargi à l’ensemble des secteurs industriels.
Cette organisation concerne dans un premier temps les lignes de production industrielle. Toutefois, les espaces administratifs vont être aussi impactés, dès les années 20 aux Etats-Unis. Elle est marquée par la division hiérarchique du travail, la création de bureaux fermés, individuels ou collectifs, définie en fonction du degré de hiérarchie et du niveau de responsabilités des collaborateurs présents.
Le principe du taylorisme s’est imposé pendant plusieurs décennies. Les périodes de guerre n’ont pas permis de faire évoluer l’organisation des espaces de travail.
Une fois ces guerres révolues, l’activité des entreprises connaît une croissance exponentielle menant à de nouvelles réflexions autour d’un modèle d’organisation des activités tertiaires. C’est ainsi que les cloisons et couloirs disparaissant pour permettre une meilleure circulation de l’information et favoriser la communication entre les différents services. Le concept est ainsi nommé « bureau-paysager », haut lieu de sociabilisation, dans un contexte où les postes des collaborateurs deviennent de plus en plus polyvalents.
Les limites de ces bureaux-paysagers apparaissent très vite : nuisances sonores, stress, difficultés de concentration, impersonnalité. Les architectes réfléchissent donc à une solution alternative en mettant en place des cloisons modulables entre chaque bureau, ne faisant pas toute la hauteur d’un mur. C’est ainsi que le concept de « cubicule » est apparu, inspiré de la méthode d’aménagement de George Nelson intitulée « panel system ». L’objectif est alors de maintenir un espace/bureau individuel dans un espace complètement ouvert. Cela permet à la fois de faire circuler et de réguler les flux d’informations et d’interactions.
Dans les années 70, des métiers propres à l’aménagement des bureaux apparaissent : facility-manager, space-manager, office-manager. C’est également l’époque qui marque l’apparition de l’informatique et de l’ordinateur comme véritable outil de travail.
En parallèle de ces innovations, les premières revendications relatives aux conditions et à l’environnement de travail émergent. Par exemple, c’est le début de la prévention des accidents et des maladies de travail. De plus, les salariés protestent contre plusieurs aspects liés à ces grands espaces de travail : la ventilation, l’éclairage artificiel, les mobiliers répétitifs et impersonnels, etc.
Pour autant, les entreprises ne remettent pas en cause ce modèle et l’associent à la notion de flexibilité, très présente dans les discours managériaux. D’un point de vue sociologique, la flexibilité était perçue par les entreprises comme un véritable espace démocratique et d’ouverture entre collaborateurs allant jusqu’à dissoudre les niveaux hiérarchiques. Des zones complémentaires aux simples bureaux se développent telles que des « zones calmes », des bibliothèques, etc.
De plus, la flexibilité représentait un autre avantage : la structure interne des entreprises évoluant constamment, elle permet de réorganiser les bureaux de façon rapide.
Le flex-office, basé sur le principe de flexibilité, devient la norme au début des années 2000. Il permet aux entreprises de répondre à des enjeux et besoins bien distincts :
Le flex-office est aussi une solution pour gérer l’immobilier qui se trouve en flux tendu de façon permanente. Ainsi, les bureaux inoccupés sont supprimés dans un contexte où le marché de l’immobilier tertiaire évolue et devient de plus en plus concurrentiel.
Au début des années 2000, c’est aussi le déploiement du coworking valorisant l’autonomie et faisant la promotion de la liberté individuelle en rupture avec les normes traditionnelles d’organisation de travail.
Cette façon de travailler et d’organiser les espaces répond à une aspiration de la génération Y liée à la reconnaissance personnelle et au sens donné à son travail. L’idée d’appartenance à une communauté, plutôt qu’une valorisation d’un statut (hiérarchique notamment), est davantage recherchée par les collaborateurs.
Aujourd’hui, il semble primordial de donner un cadre convivial aux espaces de travail au travers notamment d’ateliers, de conférences, de déjeuners, de formations, etc.
En 2005, Actinéo, observatoire de qualité au bureau, voit le jour. L’organisme travaille en étroite collaboration à le CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) pour mener des études qui visent à comprendre les souhaits et attentes des salariés. Chaque année, une enquête internationale définit le rapport des salariés à leur travail dans le monde. L’objectif de cette enquête, selon Actinéo, est de décrypter les nouveaux enjeux et de partager ces informations auprès des dirigeants d’entreprise afin de nourrir leur réflexion sur le sujet. Consulter l’enquête 2021.
En 2021, l’enquête met en avant plusieurs enjeux :
Ces éléments répondent à des enjeux et attentes en matière de confort dans les bureaux.
Aujourd’hui, l’inspiration croissante au bien-être au travail est bien là. Avec la crise de la Covid-19, la pratique du télétravail explose partout dans le monde. Les salariés apprécient de se retrouver et de travailler dans un lieu qui se rapproche des codes de leur propre foyer. Ils souhaitent se sentir au travail comme à la maison. Le concept se nomme d’ailleurs le « home working ».
C’est un enjeu que les dirigeants d’entreprise ne peuvent complètement ignorer pour inciter leurs collaborateurs à revenir dans les locaux. Sont souvent cités, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone), qui ont été les premières entreprises à adopter (bien avant la crise sanitaire de la Covid-19) ce modèle :’espaces d’échanges, de détente, de loisirs laissant une place prépondérante à la lumière naturelle et à la nature.
Depuis la fin du XIXe siècle, les espaces de travail ont évolué. Aujourd’hui, la priorité pour les entreprises est d’assurer le confort et bien-être de ses salariés en s’adaptant à leurs besoins et attentes.